L'obligation de maltraiter les oies

Traduction de l’article « El deber de maltratar a los gansos », publié le 20 décembre 2006 dans le quotidien El País.

Les producteurs français exigent le retrait de l'appellation à un foie gras d'Estrémadure obtenu sans gaver les oies

Les producteurs français de foie gras exigent de maltraiter les oies. Ils exigent de les gaver avec un entonnoir pour que leur foie s'engraisse avant de les sacrifier et d'en obtenir le délicieux foie. Ils n'apprécient pas qu'une entreprise de Fuente de Cantos (Bajadoz), La Patería de Sousa, ait obtenu un foie gras sans gaver les animaux artificiellement. Et ils apprécient encore moins que le prestigieux Salon International de l'Alimentation de Paris lui ait descerné il y a deux mois le « Coup de coeur » de l'innovation. C'est pour toutes ces raisons qu'ils ont demandé qu'on ne puisse pas l'appeler « foie-gras ». Mais qu'est-ce-que ça veut dire !

Le président de la Patería de Sousa, Eduardo Sousa, s'est montré hier ironiquement compréhensif : « Il est normal qu'ils aient demandé le retrait, parce qu'ils ont peur. Nos oies sont élevées en liberté et nous avons été primés à Paris, où le jury leur a tiré les oreilles parce que nous avons démontré que l'on peut fabriquer un bon foie gras sans maltraiter les animaux ». La boîte de 90 grammes coûte 23 euros.

Sousa explique que l'entreprise, qui se consacre depuis 1812 à la fabrication de pâtés, élève les oies africaines en liberté. « Quand elles se préparent pour la migration, elles se gavent seules pour supporter le voyage. C'est à ce moment-là que nous les sacrifions ». L'invention n'en est pas une. C'est ainsi que l'on obtenait le foie gras jusqu'à ce que les Égyptiens décident de les gaver artificiellement. La technique, perfectionnée en France, consiste à « obliger l'animal à ingérer, plusieurs fois par jour et en quelques secondes, une énorme quantité de grain avec un tube métallique introduit dans la gorge jusqu'à l'estomac », selon l'encyclopédie Wikipédia.

La secrétaire générale du CIFOG, Marie-Pierre Pé, a exigé hier que le produit de Sousa ne puisse pas se vendre sous l'appellation « foie gras », puisque « le foie-gras est strictement défini comme le produit d'un animal engraissé par gavage », selon l'agence de presse espagnole EFE. Sousa, qui a vendu sa production à El Corte Inglés, se défend : « Le "foie gras" est un foie qui est gras, et c'est ce que nous vendons. De nombreux pays vont interdire le gavage et craignent pour leurs ventes ». La petite entreprise d'Estrémadure a mis en échec l'industrie du foie gras de la France.