Foie gras sans gavage au salon de l'alimentation

Le salon international de l’alimentation (SIAL) s'est tenu du 22 au 26 octobre 2006 à Paris. Parmi les nouveautés de cette année : un foie gras produit sans gavage, présenté par une petite entreprise espagnole des environs de Séville (société La Pateria de Sousa).

D'après les informations que nous a fournies cette entreprise, cette préparation est à base de foies d'oies non gavées, laissées en liberté dans les champs (sauf intempéries). Les oiseaux se nourrissent volontairement, pour partie d'herbes et plantes des champs, et pour partie d'aliments très caloriques déposés à leur intention dans des mangeoires (figues, glands, miel, etc.). La Patería de Sousa, dont le produit n'est pas pour le moment distribué en France, compte développer les quantités de foie gras obtenues par cette méthode en passant des accords avec des coopératives et de petits producteurs.

« Faux gras »

Alors que le foie gras n’est interdit à Chicago que depuis août dernier (cf. notre précédente actualité), des restaurateurs de cette ville proposent eux aussi déjà des préparations, appelées « faux gras », à base de foies de canards non gavés. D’autres restaurateurs, encore plus préoccupés de la triste condition des animaux dans les élevages, présentent quant à eux des alternatives végétales. Un critique gastronomique a comparé ces préparations au foie gras classique, et en a fait une critique élogieuse.

Un mensonge savamment entretenu

Ces diverses informations nous rappellent à quel point la position de défense du gavage adoptée par les dirigeants de la filière française du foie gras – et leurs relais scientifiques et politiques – est fragile : elle repose en partie sur l’idée mensongère qu’il n’existe pas d’alternative au gavage.

Ainsi, pour justifier le vote d’un article de loi visant à pérenniser la pratique du gavage, les élus défenseurs de cette pratique ont argumenté qu’« il n’existe pas d’alternative à la pratique du gavage traditionnel » (cf. notre dossier).

Pourquoi cette application des dirigeants de la filière française à nier l’évidence ? Principalement parce que la recommandation européenne de 1999, qui interdit la pratique du gavage, ne lui accorde un sursis que dans les régions où elle est déjà pratiquée et à la condition du développement de méthodes alternatives sans gavage. Soutenir qu’aucune alternative n’est en vue fait partie de la stratégie mise en œuvre par la filière pour tenter d’obtenir que le sursis soit indéfiniment prolongé.

Quand la tradition a de l’imagination

Pourquoi la filière française s’acharne-t-elle à défendre le gavage ? Pour le comprendre, il faut savoir que les industriels français établis sur ce marché ont obtenu que l’appellation « foie gras » soit réservée aux foies et pâtés produits par gavage. Ils ont ainsi créé une barrière à l’entrée contre tout concurrent potentiel, français ou étranger, qui s’aviserait de les concurrencer par un produit aux caractéristiques similaires mais obtenu autrement. En prétextant défendre la « tradition » (qu’ils pratiquent en enfonçant des pompes hydrauliques dans la gorge d’oiseaux en cage de batterie), ces industriels défendent surtout leurs parts de marché contre tout entrepreneur plus innovant qu’eux…

« Souffrances utiles »

Pour conclure, remarquons à quel point le débat sur le gavage se trouve appauvri et biaisé lorsqu’il est réduit à la question de savoir s’il existe des alternatives à cette pratique. Il suffit pour s’en rendre compte d’expliciter ce qui est implicite à cette façon de poser le problème : par exemple, qu’il serait légitime de continuer à rendre délibérément malades trente millions d’oiseaux par an s’il s’avérait impossible sans cela d’offrir aux consommateurs un mets similaire à celui qu’ils achètent aujourd’hui en de rares occasions, et dont la consommation n’est vitale pour personne. L’implicite dans cette façon d’aborder le sujet consiste au fond à vider de tout contenu le principe selon lequel « il ne faut pas infliger aux animaux des souffrances inutiles » puisqu'aucune souffrance animale, si grande soit-elle, ne serait « inutile » dès lors que sa remise en cause provoquerait un dérangement, si minime soit-il, pour des producteurs ou des consommateurs.

Sources

  • Le Monde – « Du foie gras par "libre consentement" des oies » - 19 décembre 2006
  • El País – "El deber de maltratar a los gansos" (en espagnol) ; « L'obligation de maltraiter les oies » (traduction en français) - 20 décembre 2006
  • France 2 – « L'alimentation du futur est au SIAL » - 21 octobre 2006
  • RTL – « Les produits sains de nouveau "tendance" » - 7 septembre 2006
  • The Chicago Tribune – "How does faux foie gras taste? Our critic knows" (en anglais) ; « Quel est le goût du faux foie gras ? Notre critique le sait » (traduction en français) - 21 septembre 2006
  • Región Digital – « El Salón Internacional de la Alimentación de París, SIAL 2006, reconoce a la empresa extremeña "La Patería de Sousa" » (en espagnol) ; « Le Salon International de l'Alimentation de Paris, SIAL 2006, récompense l'entreprise d'Estrémadure La Patería de Sousa » (traduction en français) - 16 octobre 2006
  • Société LA PATERIA DE SOUSA, C/ real, 31, 06420 Fuentes-de-Cantos, Espagne - téléphone : +34 924500750